Arrêter le cours de la désertification, garantir un avenir durable : la RDC face à un choix vital

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La République Démocratique du Congo demeure en ce jour l’un des pays les plus touchés par la désertification en Afrique.

Selon une étude réalisée en 2020 par le programme mondial pour l’alimentation (FAO), la RDC détient actuellement 126 millions d’hectares de forêts, y compris les dégradées, alors qu’en 1960 elle détenait 155 millions d’hectares. La même étude précise que la forêt congolaise s’effrite annuellement de 1 million d’hectares depuis 10 ans. Ce phénomène, qui affecte près de 35% du territoire national, a des conséquences désastreuses sur les populations, l’économie et l’environnement.

En effet, La République Démocratique du Congo couvre une superficie évaluée à près de 235 millions d’ha dont 227 millions sont constitués de terres fermes. Malgré ce potentiel énorme, il se pose actuellement dans certaines régions du pays des problèmes sérieux de dégradation des terres dûs à l’inégale répartition de la population sur le territoire national. L’agriculture sur brûlis, l’excès de mise en culture, les feux de brousse incontrôlés, la production de charbon de bois pour les marchés locaux et régionaux, le surpâturage, les techniques d’irrigation inadaptées ainsi que l’exploitation forestière illégale sont les causes. 

Un rapport national sur l’état actuel de la mise en œuvre de la convention des nations unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) réalisé en 2004 stipule que les causes profondes de la dégradation des terres et de la déforestation en RDC sont d’abord d’ordre éco climatique et anthropique, aggravées par un cadre juridique et institutionnel 18 inadéquat et exacerbées par un contexte politique défavorable, caractérisé par une instabilité et des conflits destructeurs de l’environnement.  

Les conséquences…

Une conséquence évidente de la désertification est la destruction de la fertilité des sols semi-​désertiques. Ce phénomène se produit dans différentes régions du monde, mais particulièrement en Afrique, où 66 % du territoire est constitué de déserts et de zones semi-arides. La désertification favorise l’érosion des sols, à la perte de la biodiversité et à la diminution de la productivité agricole. 

En RDC également, les impacts de la désertification sont nombreux et préoccupants. Les principales conséquences, telles que les décrit le rapport précité, se manifestent à deux niveaux : Au niveau des systèmes de production.

Le secteur agricole et l’élevage subissent un déclin au Congo. La production de manioc, l’aliment de base pour la population, a chuté de 20% en raison des maladies et des parasites, ce qui entraîne une insuffisance de production pour répondre à la demande croissante. De plus, la pêche artisanale connaît également un déclin, avec une réduction du nombre de bateaux disponibles et une baisse moyenne de 45% de la production.

La surexploitation des terres, en particulier dans la région de l’hinterland minier Bas-Congo – Katanga, a conduit à la réduction voire à la suppression des périodes de jachère. De plus, la déforestation est une préoccupation majeure, causée par l’agriculture itinérante sur brûlis, l’exploitation forestière non réglementée et l’exploitation minière. Des milliers de bûcherons, charbonniers et entreprises du secteur moderne sont responsables de la déforestation de centaines de milliers d’hectares de forêt chaque année.

Au niveau économique et social 

Le contexte de la République Démocratique du Congo illustre de manière poignante les impacts économiques et sociaux dévastateurs du phénomène de la désertification sur les  communautés locales. Selon le Plan National d’Action pour l’Environnement (PNAE), environ 1 700 000 hectares, soit 29% des terres cultivées, ont été abandonnés après avoir été utilisés pour des cultures pérennes. Cette situation menace gravement la sécurité alimentaire et entraîne une perte significative de revenus pour les paysans, ce qui contribue fortement à la pauvreté rurale.

En conséquence, de nombreux agriculteurs, face à la dégradation de leurs terres et à la baisse de leur productivité, se voient contraints de se tourner vers des professions plus lucratives mais destructrices, telles que bûcherons, charbonniers ou creuseurs de matières précieuses. Cette conversion professionnelle augmente les pressions sur les forêts et les terres, exacerbant les agressions environnementales et accélérant la dégradation des écosystèmes naturels. Ainsi, la désertification non seulement appauvrit les communautés rurales, mais elle entraîne également une spirale de dégradation environnementale, renforçant les défis socio-économiques.

Il faut des actions concrètes

Après avoir réfléchi à la question pendant 13 mois, les représentants de plus de 100 pays ont adopté la “ Convention des Nations unies pour combattre la désertification ”, un plan qui, selon l’ONU, est “ un important pas en avant ” dans la lutte contre la désertification. La convention encourage, entre autres, le transfert des techniques anti-désertifications des pays développés vers les pays en développement, la création de programmes de recherche et de formation et, par-dessus tout, une meilleure utilisation des connaissances des populations indigènes (Chronique ONU). 

À l’origine de tous les problèmes environnementaux en République démocratique du Congo se trouve l’absence d’une politique nationale cohérente de gestion stratégique et rationnelle des ressources naturelles en général, et des ressources foncières en particulier. Pour lutter efficacement contre la désertification en République Démocratique du Congo, il est crucial de mettre en place une approche intégrée et multisectorielle. Tout d’abord, la restauration et la gestion durable des terres doivent être prioritaires. Cela implique des initiatives de reforestation et d’agroforesterie, qui non seulement restaurent les sols dégradés mais aussi améliorent la biodiversité et fournissent des revenus supplémentaires aux communautés locales.

En parallèle, des techniques agricoles durables telles que la rotation des cultures, l’utilisation de compost naturel et l’agriculture de conservation doivent être encouragées pour maintenir la fertilité des sols et prévenir l’érosion. La protection des zones sensibles, comme les bassins versants et les forêts, à travers la création de réserves naturelles et la mise en œuvre de mesures de conservation des sols et des eaux, est également essentielle.

De plus, il est impératif de renforcer les capacités institutionnelles et d’améliorer la gouvernance environnementale. Cela peut être réalisé par la révision et l’actualisation des politiques environnementales existantes pour les aligner avec les défis actuels de la désertification.

Il est nécessaire de promouvoir la participation active des communautés locales dans la gestion des ressources naturelles, en les informant et en les formant sur les pratiques durables. Le développement d’alternatives économiques viables pour les populations rurales, comme l’écotourisme et les services écologiques, peut réduire la pression sur les terres agricoles et les forêts. Enfin, l’utilisation de technologies modernes telles que la télédétection et les systèmes d’information géographique (SIG) pour surveiller les changements de couverture terrestre et planifier des interventions ciblées est indispensable pour une gestion efficace et proactive de la désertification en RDC.

Face à ce défi majeur, le gouvernement de la RDC et ses partenaires ont pris des engagements importants pour lutter contre la désertification et promouvoir la gestion durable des terres. La Stratégie nationale de lutte contre la désertification et la sécheresse 2010-2030 a été adoptée en 2010. Cette stratégie vise à réduire de moitié la superficie des terres affectées par la désertification d’ici 2030.

De nombreux projets sont en cours de mise en œuvre pour concrétiser cette stratégie. Ces projets portent notamment sur la reforestation, la promotion de pratiques agricoles durables, la conservation des sols et l’accès à l’eau potable et à l’assainissement.

La gestion durable des terres est essentielle pour assurer la sécurité alimentaire, la protection de l’environnement et le développement durable de la RDC. Il est important de sensibiliser les populations aux enjeux de la désertification et de les impliquer dans la mise en œuvre des solutions.

En plus des actions menées par le gouvernement et ses partenaires, il est également important que le secteur privé s’engage dans la lutte contre la désertification. Les entreprises peuvent contribuer à la promotion de pratiques agricoles durables, à la reforestation et à la conservation des sols.

La lutte contre la désertification et la promotion de la gestion durable des terres constituent un enjeu vital pour le développement durable de la RDC. En mobilisant tous les acteurs et en mettant en œuvre des solutions innovantes, il est possible de relever ce défi et de construire un avenir meilleur pour les populations et l’environnement du pays.

Djify Elugba

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