Peu sérieux face à nos ambitions agricoles (Tribune de Jo M. Sekimonyo )

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L’agriculture est le plus vieux tour dans le manuel du développement économique. C’est trop primitif pour être notre sauveur moderne. Mais même si on décide de s’y mettre, soyons clairs : les gens cultivent déjà de la nourriture partout en RDC depuis toujours. Le vrai problème, ce n’est pas de planter, c’est de passer à l’échelle et de moderniser.

En parlant de passer à l’échelle, parlons de notre cher président et de sa vision particulière pour stimuler la productivité. Que fait-il ? Il offre des SUV aux membres du Parlement. Ils applaudissent ! Bien sûr, pourquoi pas ? et personne ne remarque l’ironie, encore moins l’incohérence.

D’abord, le Parlement est l’autorité budgétaire, ceux qui gèrent les finances nationales. Donc, en gros, ils se sont offerts ces beaux SUV eux-mêmes. Imaginez un caissier qui offre une voiture neuve à son patron de la banque, et le patron qui ne se demande même pas : « Mais comment a-t-il pu se payer ça ? » C’est surréaliste.

Ensuite, si on était ne serait-ce qu’un peu sérieux sur l’agriculture, ces SUV auraient été des tracteurs. Imaginez : chaque député reçoit un tracteur à livrer dans sa circonscription. Ils pourraient le louer aux agriculteurs locaux ou le vendre à quelqu’un qui l’utiliserait réellement sur le terrain. Quoi qu’il en soit, cela aurait stimulé la production et la productivité. Au lieu de ça, on aide juste les politiciens à rouler en confort au-dessus des nids-de-poule, ou bien climatisés, tout en restant coincés dans les embouteillages de Kinshasa.

L’illusion du « bon sens » : le ministre Julien Paluku

L’illogisme des ambitions agricoles a été plus abuse en ce début de 2025. Voici venir le ministre du Commerce Extérieur avec son idée lumineuse : « Passons des mines à l’agriculture ! » Pour appuyer son argument, il compare le prix d’une tonne de cuivre (8 000 $) à celui d’une tonne de cacao (11 000 $). Ce qu’il oublie ? Ces prix sont spéculatifs, soumis aux caprices des marchés mondiaux. Que se passe-t-il si les prix s’inversent ? On abandonne les champs pour retourner aux mines, puis on refait le chemin inverse à chaque fluctuation du marché ? La RDC devrait-elle vraiment jouer au ping-pong économique ?

Pendant que notre ministre joue aux mathématiques simplistes, il oublie l’essentiel : la vraie richesse aujourd’hui réside dans les idées. Bezos n’a pas construit Amazon avec des tonnes de cacao, mais avec une vision. Jack Ma n’a pas fait fortune avec des minerais, mais avec une plateforme numérique. Leurs petits « grains » de grandes idées se sont transformés en milliards. Imaginez ce que vaudrait une tonne d’idées !

Les Congolais doivent se concentrer sur la création de valeur, et non simplement sur la valeur ajoutée, à partir d’idées innovantes, pas sur des comparaisons de chiffres arbitraires. Mais bon, vu le parcours et l’expérience du ministre, attendre une telle vision, c’est comme attendre la pluie dans le désert : inutile, mais il faut saluer l’optimisme.

Au final, la modernisation, c’est une question la qualité d’état d’esprit.

Jo M. Sekimonyo

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