Mesdames et Messieurs représentants des chancelleries et missions diplomatiques en République Démocratique du Congo,
Mesdames et Messieurs représentants des corps constitués de la République,
Peuple frère du Rwanda que je distingue du leadership à la propension expansionniste et prédatrice de ses dirigeants,
Peuples des pays amis qui ont fait le choix de la paix en alignant leurs militaires aux côtés des FARDC, Membres des Forces onusiennes,
Mesdames et Messieurs Membres des ONG présentes aux côtés de nos populations sous les bombes rwandaises,
Chers Compatriotes,
Je voudrais commencer par saluer la mémoire des militaires étrangers qui ont payé de leur vie afin de préserver la paix et des vies en République Démocratique du Congo. À leurs épouses, à leurs maris, à leurs enfants, à leurs parents, nous exprimons nos très sincères condoléances et leur demandons de léguer à la postérité l’image de bravoure de ces soldats tués impunément loin de leurs terres. Dans l’histoire que les Congolais se transmettront de génération en génération, leur mémoire sera évoquée et saluée.
À nos vaillants soldats, aux officiers, aux patriotes résistants connus sous le nom de Wazalendo tombés sur le champ d’honneur, votre sacrifice ne sera pas vain. Vos frères d’armes sont debout avec la même détermination qui vous a caractérisés.
À nos compatriotes civils tués, violés, violentés ou poussés à l’errance sans le moindre remords, sachez que les cris d’effroi qui montent des territoires du nord-est du pays, loin de nous horrifier, de nous tétaniser, galvanisent toute la nation qui fait bloc contre l’innommable.
Mesdames et Messieurs,
Hommes et femmes épris de paix,
Peuple rwandais, Peuple congolais,
Entre 1959 et 1961, le Rwanda avait connu ce que l’on avait appelé « La Toussaint rwandaise » qui avait provoqué l’exil de 350.000 Tutsis vers l’Ouganda, le Burundi, la Tanzanie et la République Démocratique du Congo.
Dans certains pays, ces réfugiés Tutsis sont restés cantonnés dans des camps de réfugiés pendant des décennies. Pendant ce temps, en République Démocratique du Congo, cette population s’est fondue dans la société et beaucoup de ses membres avaient même intégré la fonction publique congolaise jusqu’à des postes de très hautes responsabilités.
En 1994, alors que le Rwanda fit à nouveau face à des affrontements interethniques, des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ont afflué vers notre pays. En lieu et place de fermer nos frontières pour éviter que cette guerre se déporte sur notre sol, nous avions laissé parler notre sens de l’hospitalité. Malheureusement, au prétexte d’éliminer la menace FDLR, les Forces rwandaises sévissent depuis 30 ans dans notre pays provoquant au bas mot, directement et indirectement, plus de 6 millions de morts congolais et hutu.
Depuis 30 ans, le gouvernement rwandais nous sert la même ritournelle : son armée interviendrait en République Démocratique du Congo tantôt pour protéger la minorité tutsie congolaise tantôt pour éteindre la menace FDRL basée chez nous.
Depuis 30 ans en écho, les rapports des experts des Nations-unies se suivent et se ressemblent : le Rwanda et ses appendices CNDP et M23 sont accusés de crimes de masse, de viols, de décapitations, de mutilations, du pillage des ressources minières de la RDC, de la contrebande des matières premières issues du sol congolais… sans conséquence.
Nous disons « sans conséquence » car les Nations-unies qui avaient eu la main ferme pour sauver des vies et faire respecter le droit international en Irak, en Libye, en Syrie, en Afghanistan, au Liban… réceptionne et lit de nombreux rapports de ses inspecteurs puis se contentent des recommandations sans la moindre contrainte.
Je ne voudrais pas m’approprier la formule historique utilisée par Général de Gaulle pour désigner l’ONU, mais le peuple congolais est en droit de s’interroger : « Que fait l’ONU à part entretenir à coup de milliards de dollars une mission faiblement armée et réduite à constater les agressions répétées depuis 1994 ? ».
Aux représentants des chancelleries et des missions diplomatiques des pays membres de l’Union européenne,
L’Union européenne a signé avec le Rwanda, en février 2024, un protocole d’accord de près d’un milliard de dollars afin, je cite, « de garantir un approvisionnement durable en matières premières ».
Par cet accord, l’Union européenne a agi en violation de sa propre législation votée par son parlement en 2017 qui contraignait des entreprises s’approvisionnant en coltan, en or, en étain… « à s’assurer de l’absence de lien entre leur chaîne d’approvisionnement et les minerais issus des régions en proie à des conflits ».
L’Europe ne pouvait pas ignorer que le département d’État américain ainsi que l’International Peace Information Service (IPIS), basé à Anvers ont affirmé « qu’au regard de la composition géologique du Rwanda, il n’est pas possible que ce pays extraie ce qu’il exporte ». Plusieurs rapports des experts des Nations-unies ont dit et redit la même chose. Ce pillage est tel que ces dix dernières années, le Rwanda, qui ne produit pas le coltan, a exporté cinq fois plus ce minerai que la RDC.
Comment voudriez-vous que le président rwandais entende raison, comment voudriez-vous qu’il entende les appels à la paix quand ils sont lancés par ceux qui lui achètent anticipativement les minerais du sang ? Dans cette chaîne d’approvisionnement pas du tout vertueux, le Rwanda est un État dealer appelé à honorer une commande payée à l’avance.
Qu’avez-vous fait des valeurs et de l’idéal de la paix portés par les pères fondateurs de l’Europe ?
Mesdames et Messieurs les Membres des chancelleries et des missions diplomatiques,
Nous entendons depuis 30 ans, de la part de la communauté internationale, des appels au dialogue avec le Rwanda et avec les rébellions afin de sortir de la crise. Comment voudriez-vous que nos peuples comprennent que de vieilles démocraties appellent à des discussions pour faire de la place à des gens qui ont pris les armes contre leurs propres compatriotes ? Quelle culture politique et civique voudriez-vous que nous puissions inculquer à nos jeunes qui vont constater qu’il est tout autant légitime d’accéder aux responsabilités par les urnes que par les armes ?
Dialoguer avec le Rwanda ? Aucun problème car ça serait l’occasion de rappeler à son président que dans l’imaginaire congolais, par son action, le Rwanda, les Rwandais, les Tutsi sont aujourd’hui des mots qui renvoient aux crimes infâmes et au pillage sur notre sol. Ma responsabilité, malgré la douleur et la colère, restera d’appeler mon peuple à ne pas corréler les Rwandais et les Tutsi en particulier à des agissements de leur président dont ils ne sauraient être comptables.
En ma qualité de chef de l’État congolais, je me sens héritier de la longue histoire qui lie les peuples congolais et rwandais. Une histoire marquée par des tragédies parallèles et des moments de fraternité et de solidarité. Un dirigeant visionnaire saurait qu’on ne peut faire le bonheur de son peuple au détriment d’un autre, moins encore au prix des razzias. Un dirigeant visionnaire donnerait tout pour laisser son peuple en paix en son sein et avec tous ses voisins.
À Vous Mes Très Chers Compatriotes,
Notre pays est en guerre sans l’avoir voulue ni provoquée. Nous sommes en guerre pas contre une nationalité, pas contre un peuple, mais contre une idée et des pratiques qui ont endeuillé plusieurs fois l’humanité : la soif des conquêtes territoriales et des pratiques prédatrices irrépressibles.
L’histoire nous renseigne heureusement que ceux qui ont nourri le sentiment d’être habités par un destin messianique au détriment de la raison et des autres peuples, ont fini tragiquement dans la case « infamie » de l’histoire.
Face à cette guerre qui nous est imposée, l’agresseur a trouvé des compatriotes qui ont choisi la félonie et 3.000 corps ont tapissé le sol de Goma pour leur servir de marchepied vers l’enrichissement personnel.
Je n’oublie pas les actions néfastes de certains hauts responsables de notre pays qui privent nos soldats des moyens pour bouter l’ennemi dehors. Désormais, je demanderais à la justice et à la hiérarchie militaire de considérer que le moindre franc congolais détourné soit traité comme le fait de désarmer nos soldats devant un ennemi programmé pour tuer, violer et piller. Les sanctions devront être désormais extrêmement sévères.
Chers Compatriotes,
Face à cette guerre, nous devons passer outre nos clivages parfois exacerbés par la perte du sang-froid et ne faire qu’un et indivisible comme doit le demeurer notre pays, notre nation. Je ne vais pas occulter ma responsabilité sur certaines de nos difficultés et de nos incompréhensions. Le devoir m’appelle à une introspection sans concession et à renforcer l’unité nationale car c’est d’elle que viendra la victoire face à l’agresseur mais aussi face à tous les autres défis sociaux, sociétaux et économiques.
Vive la République Démocratique du Congo !
|Botowamungu Kalome (AEM)