Du 21 octobre au 1er novembre, plus de 190 États signataires de l’accord de Kunming-Montréal visant à stopper et à inverser l’érosion de la biodiversité d’ici 2030 se sont réunis à Cali, en Colombie, à l’occasion de la 16ᵉ conférence des parties à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB), pour faire le point sur les progrès accomplis, examiner les engagements pris par les différents pays et clarifier les mécanismes de financement et de partage des avantages en faveur de la biodiversité. Si l’événement s’est achevé sans accord majeur sur le financement de cette feuille de route, il a néanmoins permis des avancées significatives, répondant aux attentes d’efforts déjà anciens.
À la différence de la COP15 sur la biodiversité, qui s’était avérée « une occasion manquée » de protéger les droits des peuples autochtones, la COP16, également connue sous le nom de « COP des peuples », a marqué la reconnaissance officielle du rôle des peuples autochtones et des communautés locales (IPLC) en tant que gardiens de la nature et de leurs connaissances inestimables dans la mise en œuvre du cadre mondial pour la biodiversité. Les peuples autochtones détiennent des systèmes hors du commun de connaissances, d’innovations et de pratiques transmis de génération en génération, qui ont permis à de nombreuses cultures et communautés de vivre en harmonie avec la nature tout en maintenant un équilibre durable entre l’homme et son environnement.
De plus, leurs pratiques traditionnelles, profondément ancrées dans une compréhension respectueuse des écosystèmes, reposent sur l’utilisation responsable des ressources naturelles. Ces approches, souvent caractérisées par un faible impact sur l’environnement, favorisent la résilience des écosystèmes et s’adaptent efficacement aux changements écologiques. Forts de plusieurs générations de connaissances écologiques, ils ont été parmi les premiers à reconnaître les signes avant-coureurs du changement climatique.
Alors que la crise climatique s’intensifie, leurs connaissances et leurs pratiques offrent des solutions précieuses pour atténuer les impacts, renforcer les stratégies d’adaptation et améliorer la résilience. En complément des données scientifiques, ces connaissances offrent des perspectives locales précises, essentielles pour évaluer les scénarios climatiques futurs et y répondre. Cependant, « ils sont souvent exclus des processus de prise de décision, et leurs droits à la terre et aux ressources ne sont pas toujours respectés », affirme le PNUD.
Ces communautés, pourtant en première ligne de la préservation de la biodiversité et des écosystèmes, sont fréquemment écartées des processus de décision qui les concernent directement. Leurs droits fonciers, souvent transmis de manière coutumière et non formalisés, ne sont pas toujours reconnus par les cadres juridiques nationaux. En conséquence, elles subissent l’exploitation de leurs terres et de leurs ressources naturelles sans consultation ni compensation adéquate. Cette marginalisation entrave non seulement leur bien-être, mais également les efforts globaux de conservation, car leurs connaissances traditionnelles et leur gestion durable des écosystèmes sont essentielles pour relever les défis environnementaux.
« Les peuples autochtones et les communautés locales, qui sont parmi les premiers à être touchés par les crises du climat et de la biodiversité, réclament depuis longtemps une participation efficace et équitable aux COP », a déclaré Juan Pablo Sarmiento Barletti, scientifique au CIFOR-ICRAF, selon Forests News.
Il a ajouté : « Leurs connaissances et leur expérience sont désormais reconnues au titre de l’article 8(j), ce qui souligne leur rôle essentiel dans la réalisation des objectifs de la CMBKM. Le défi réside maintenant dans la mise en œuvre concrète de ces engagements. »
Une lueur d’espoir
Deux avancées majeures ont été observées par les experts et organisations présents à l’issue des dernières négociations : la première concerne la création d’un groupe permanent – un « organe subsidiaire » – représentant les peuples autochtones, et la seconde, la création d’un nouveau fonds mondial (« Fonds de Cali ») pour le partage équitable des ressources génétiques issues de la biodiversité.
Vers 23 heures, le vendredi 1er novembre, lors de la phase finale des négociations, cet organe a été créé, garantissant l’inclusion des peuples autochtones et des communautés locales dans les discussions.
Encourager le leadership autochtone
Le groupe subsidiaire aura pour mission de soutenir et d’évaluer la mise en œuvre des décisions de la CDB relatives aux peuples autochtones, tout en conseillant la COP sur les mesures à prendre pour préserver leurs connaissances traditionnelles.
Selon un communiqué de presse des Nations unies : « Les résultats de la COP16 représentent un progrès majeur vers la réalisation des 23 objectifs de 2030 énoncés dans le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal (KMGBF). ».
Encourager le leadership des peuples autochtones et favoriser une conservation participative et équitable. Le groupe subsidiaire nouvellement créé aura pour mission de soutenir et d’évaluer la mise en œuvre des décisions de la CDB relatives aux peuples autochtones et aux communautés locales, tout en conseillant la COP sur les mesures à prendre pour préserver et valoriser leurs connaissances traditionnelles en matière de conservation de la biodiversité. 7 des 23 objectifs du cadre mondial pour la biodiversité font explicitement référence aux connaissances approfondies et au rôle clé des peuples autochtones dans la protection et l’utilisation durable de la biodiversité, dont le rôle positif a été souligné par l’IPBES en 2019.
Selon un communiqué de presse des Nations unies, « les résultats de la COP16 représentent un progrès majeur vers la réalisation des 23 objectifs de 2030 énoncés dans le Cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal (KMGBF) ».
Ce statut qui, dans une large mesure, renforce l’engagement mondial à valoriser et à promouvoir les efforts de conservation menés par les peuples autochtones et les communautés locales (IPLC) en République démocratique du Congo, est une grande victoire ! « Il a fallu beaucoup de travail, de négociations politiques, de dévouement constant et de nombreuses nuits blanches », avoue monsieur Joseph Intongwa Mukumo.
‘’C’est une méga victoire pour les peuples autochtones et les communautés locales ! Cela a donc nécessité beaucoup de travail, de négociation politique, de dévouement constant et de très nombreuses nuits blanches’’
Joseph Intongwa Muluba, directeur exécutif national de l’Alliance Nationale de l’Appui et de Promotion des Aires et territoires du Patrimoine Autochtone et Communautaire (ANAPAC), présent à cet événement, note qu’il s’agit sans doute d’une victoire historique qui permet aux autochtones de faire intégralement partie des engagements des États signataires à la conversation, et un monitoring pour savoir à quel niveau il y a évolution. « C’est une méga victoire pour les peuples autochtones et les communautés locales. » a-t-il avoué.
Il a également noté : « les décisions de la CDB, sont mises en œuvre dans les pays inscrites au politiques et lois nationales, ce qui garantit leur prise en compte au niveau du pays. »
L’Alliance Nationale d’Appui et de Promotion des Aires et territoires du Patrimoine Autochtone et Communautaire (ANAPAC) figure parmi des acteurs clés dans le renforcement, la sécurisation et l’amélioration de ces aires conservées.
L’ANAPAC est l’une des dix initiatives de l’Initiative pour une conservation inclusive et travaille sur l’identification et la cartographie des aires conservées par les communautés et les peuples autochtones, également appelées territoires de vie, tout en promouvant leur reconnaissance juridique et en renforçant les systèmes de gouvernance traditionnels. Cette initiative implique directement 20 000 parties prenantes et vise à améliorer la gestion de 120 000 hectares d’écosystèmes vitaux.
Cette mesure a également été saluée par l’organisation Mkaaji Mpya, représentée à la COP16 par son coordinateur, M. Gervais Muderhwa. L’organisation travaille activement avec les peuples autochtones pygmées de la RDC, qui vivent autour des aires protégées et dans les plaines de la Ruzizi. Elle les soutient dans leur travail de plaidoyer, en amplifiant leur voix et en défendant leurs droits.
Mkaaji Mpya s’attaque également aux questions socio-économiques au nom de ces communautés. Récemment, l’organisation a lancé une initiative majeure pour renforcer les capacités des médias dans la mise en œuvre du cadre Kunming-Montréal en RDC. L’un des éléments clés de ce projet est la mise à disposition d’un espace médiatique dédié aux populations autochtones vivant autour des zones protégées. Cet espace leur permet d’exprimer et de partager leurs points de vue sur la conservation des ressources naturelles, conformément aux 23 objectifs du cadre de Kunming-Montréal, qui affectent directement leurs conditions de vie.
Tout compte fait, avec ses 155 millions d’hectares de forêts, la RDC est un pilier essentiel de l’équilibre climatique mondial et abrite des populations autochtones riches en savoirs ancestraux. Pourtant, ces communautés, qui représentent à peine 1% de la population nationale (entre 600 000 et 700 000 individus), restent parmi les plus marginalisées du pays. Si les mesures internationales, telles que celles adoptées lors des derniers sommets, appellent à la préservation de leurs pratiques et à leur inclusion dans les initiatives de conservation, il est urgent que ces engagements se traduisent par des actions concrètes. Sans une reconnaissance pleine et effective de leurs droits, la préservation de la biodiversité et des écosystèmes en RDC restera un défi inachevé.
Djify Elugba