Patrick Muyaya, Ministre de la Communication et des Médias, Jacques Djoli, Rapporteur de l’Assemblée Nationale de la RDC, et Didier Mumengi, Coordonnateur du Secrétariat technique du Pacte Social pour la Paix initié par le binôme CENCO-ECC, ont coanimé un débat citoyen organisé par la structure ‘’PONA CONGO’’ autour du thème central : « Différents processus de paix : Et le peuple dans tout ça ? ». C’était dans une salle archicomble du Centre Culturel Boboto à la Gombe, le jeudi 24 mai 2025.
Deuxième intervenant de cette matinée scientifique, le Professeur Jacques Djoli Eseng’Ekeli a articulé son Grand Oral sur le sous-thème : « Washington, Doha, etc. Les principes et les accords d’une paix impossible ? » Cet orateur a, de prime abord, rappelé que la République Démocratique du Congo est un pays qui est né d’un ensemble des traités et des accords. Nous mettons en relief quelques points saillants de cette intervention magistrale.
Trame d’accords
Se replongeant dans l’histoire de cet immense pays au cœur de l’Afrique, le Professeur Djoli a rappelé que le Congo (Etat Indépendant du Congo) est une résultante de la Conférence internationale de Berlin qui avait été pilotée, de 1884 à 1885, par l’illustre Chancelier allemand Otto von Bismarck. « L’histoire de ce pays est une histoire permanente d’accords. », a-t-il insisté.

Il a aussi fait allusion à l’Acte de cession du patrimoine de Léopold II à la Belgique de 1908. Plus tard, c’est une Table Ronde tenue à Bruxelles qui a débouché sur l’indépendance du Congo, le 30 juin 1960. « Entre la Loi fondamentale de 1960 jusqu’à nos jours, notre histoire est jalonnée des moments de décisions, d’accords. Que ce soit Tananarive, Coquilhatville, Lovanium, Luluabourg qui va donner lieu à la première Constitution dite congolaise de 1964, ou que ce soit, plus tard, la Conférence Nationale Souveraine qui va produire des actes, etc. », a indiqué ce Constitutionnaliste.
Selon le Prof Djoli, Washington, Doha viennent donc s’inscrire dans cette trame d’accords qui constituent le Congo. Ce ne sont pas les différents cadres qui importent plus mais plutôt les contextes dans lesquels se nouent ces accords. « D’une carte dessinée par les autres [Conférence internationale de Berlin], nous pouvons construire notre destin : notre destinée », a-t-il ajouté.
Cycle de conflictualités
Ces 30 dernières années, le Congo est traversé par des conflits. Une étude comparative atteste qu’autrefois, vers la fin du 19ème siècle (1885), l’on se disputait le bassin conventionnel du Congo, aujourd’hui c’est le contrôle des ressources stratégiques et les routes de transit ou d’exploitation qui justifient les guerres de conquête de nouveaux espaces, d’une part, et de création de nouveaux acteurs politiques, de l’autre.
Jacques Djoli explique que la RDC est entourée des neuf autres Etats qui ont aussi des ambitions. Les relations internationales sont des relations de puissance, de domination. « La souveraineté n’est pas d’ordre de la foi. Pour être libre, il faut être fort, il faut être une puissance. Il faut donc développer, sous peine de disparition, une géopolitique : avoir une vision », prévient-il.

La question qui se pose, aujourd’hui, à travers ces accords, c’est celle de notre existence, notre renaissance, notre refondation, de la construction au cœur de l’Afrique d’un Etat de droit et une nation puissante et prospère fondée sur une démocratie politique, économique, sociale et culturelle comme s’est dit dans le préambule de la Constitution. Le Professeur Djoli invite ses compatriotes à faire de la géopolitique, de la géostratégie et de la géostatique lorsqu’ils veulent lire, pénétrer ces accords.
Ces guerres récurrentes ont pour objectif à tuer le Congo (statocide), à tuer le peuple congolais (génocide). Malheureusement, l’élite congolaise se lance dans des guerres de positionnement du pouvoir. Par conséquent, le Congo rate ainsi son destin historique. Pendant ce temps, le Rwanda, l’Ouganda et autres Etats voisins vivent dans la perspective de s’offrir les immenses réserves congolaises et visent à bâtir leur développement sur les ressources (minérales, agropastorales, faune et flore) pillées.
Si les Congolais ne connaissent pas les motivations de la guerre, ils ne pourront pas comprendre pourquoi une superpuissance comme les Etats-Unis d’Amérique intervient. Le Rwanda a toujours cherché à ce que le Congo soit un Etat faible pour en faire un champ d’exploitation, le balkaniser. Aussi, faudra-t-il élaborer une stratégie spécifiquement congolaise pour mettre fin à la guerre.
Comment tirer profit de ces accords ?
Il y a eu Lusaka (1999), Sun City (2002), Accord bilatéral de Pretoria, le Pacte de Nairobi, Accord de Nairobi, Accord-cadre d’Addis-Abeba (2013) etc. Et, aujourd’hui, l’Accord de Washington, de Doha, sont des outils, des matrices que les Congolais doivent analyser pour savoir comment tirer profit, selon Jacques Djoli.
L’Accord de Washington semble consacrer la faiblesse de la RDC. « Comment ça ne consacrerait pas ? Nous avons fait la guerre mais nous n’avons pas gagné sur le plan militaire totalement… Comment gagner sans tirer un seul coup de feu ? », s’est interrogé l’intervenant. Pour la RDC, le premier bénéfice ou profit de cet accord c’est l’intégrité territoriale d’autant plus que la stratégie militaire rwandaise c’est de balkaniser le pays de Lumumba. Il y a aussi le désengagement des forces.
Dans la Déclaration des principes de Doha (L’Accord étant attendu le 17 août 2025 au Qatar), le Professeur Djoli relève que le point 2 fait référence aux principes fondamentaux de la Constitution de la RDC. On y souligne, entre autres, la Résolution 2773 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies et la restauration de l’autorité gouvernementale sur toute l’étendue du territoire national. Ce sont-là des dividendes notables.
Les Accords ne sont que des trêves
Est-ce que cet Accord résout les problèmes ? Non parce que depuis 1960 il y a eu des Accords mais les conflits se sont reproduits au fil des ans. Djoli conclut : « Nous devons savoir que ce sont des trêves. Parce qu’entre les Etats, il n’y a que des trêves. Lorsqu’on avait signé le Traité de Versailles, personne ne pouvait croire que l’Allemagne allait déclencher les hostilités ». Il y a beaucoup de similitudes entre les tyrans Kagame et Hitler.
Un jeu de questions-réponses a constitué l’épilogue de ce débat citoyen dont l’organisation a parfaitement réussi.
James Mpunga Yende