La République démocratique du Congo (RDC) vient de conclure une série de contrats de sponsoring avec des géants du football européen, pour un montant total dépassant les 90 millions d’euros. Une opération qui vise à renforcer la visibilité et l’attractivité du pays sur la scène internationale, en promouvant la marque “RDC cœur de l’Afrique”. Mais cette stratégie gouvernementale, jugée ambitieuse par certains, suscite de vives critiques, notamment face à la situation humanitaire et socio-économique dégradée du pays.
Des contrats prestigieux avec le FC Barcelone, l’AC Milan et l’AS Monaco
Au centre de cette initiative, un accord phare avec le FC Barcelone : 43 millions d’euros hors taxes sur quatre saisons. Le club catalan portera désormais la marque de la RDC sur ses maillots d’entraînement et bénéficiera de supports promotionnels au sein du prestigieux stade Spotify Camp Nou. En complément, deux autres contrats ont été signés : 14 millions d’euros par an pendant 3 ans avec l’AC Milan, et un accord estimé à 4,8 millions d’euros sur 3 ans avec l’AS Monaco.
Ces partenariats, selon les autorités congolaises, visent à dynamiser l’image du pays et à stimuler le tourisme international, dans l’espoir d’attirer des investisseurs étrangers et de renforcer la présence du Congo dans les circuits économiques mondiaux.
Une décision jugée irresponsable par certains acteurs politiques
Cependant, cette stratégie de communication internationale ne fait pas l’unanimité. Dans une lettre ouverte datée du 16 juillet 2025, publiée depuis Washington, Moïse Katumbi, figure politique congolaise et président du parti Ensemble pour la République, dénonce ce projet comme “un affront aux souffrances du peuple congolais”. Selon lui, ces millions auraient dû être investis dans les urgences nationales : lutte contre la faim, accès à l’eau potable, infrastructures scolaires et sanitaires défaillantes, ou encore redressement du football local, plongé dans la crise.
“Pendant que vous projetez d’inscrire le nom du Congo sur des maillots européens, nos enfants meurent de faim, nos écoles tombent en ruine, et nos soldats défendent la nation pour moins de 5 dollars par jour”, écrit-il au président Félix Tshisekedi. Il pointe également l’absence de débat public autour de cette décision, dénonçant un projet “non inscrit dans le budget national, non débattu, non transparent”.
Le football national à l’abandon
Katumbi souligne par ailleurs la contradiction flagrante : alors que le pays investit massivement pour sponsoriser des clubs européens déjà fortunés, le championnat congolais peine à survivre, faute de budget. Il rappelle que le football local est sinistré, avec des stades en ruine et des clubs historiques comme Sanga Balende incapables de financer les déplacements de leurs joueurs. Selon lui, même une somme dérisoire de 600 000 dollars n’a pas pu être réunie pour achever la saison du championnat national.
“Chaque franc dilapidé est un plat vide pour un enfant”
Dans sa lettre, Katumbi interpelle directement le chef de l’État : “La gouvernance ne se mesure pas à la grandeur des ambitions publicitaires, mais à la capacité à soulager la souffrance”. Il invite solennellement le président à reconsidérer cette décision, soulignant que “chaque franc dilapidé à l’étranger est un plat vide pour un enfant, une route non réparée, un enseignant non payé”.
Face à cette contestation croissante, le gouvernement congolais continue de défendre son projet, misant sur la visibilité internationale pour espérer des retombées économiques à long terme. Mais sur fond de crise humanitaire et de pauvreté généralisée, ce pari communicationnel pourrait bien se retourner contre ses promoteurs.
Nzangura Kwavingisto
