9ème Anniversaire de la Cour Constitutionnelle : Me Janvier Kiyombo a expliqué « l’évolution de la condition de mobilité du juge Constitutionnel congolais : progrès ou régression »

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M. André Mbata Mbangu, Professeur de Droit Constitutionnel à la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa, Professeur extraordinaire à l’Université d’Afrique du Sud et Me Kiyombo Makonga Janvier Lemere, Assistant et Doctorant à la Faculté de Droit de l’Université de Lubumbashi, chercheur en Droit Constitutionnel, ont conjointement animé une conférence-débat tenue à l’Université de Kinshasa, le Jeudi 04 Avril 2024, dans l’auditoire Pierre Akele Adau, à l’occasion du 9è anniversaire de la Cour Constitutionnelle congolaise et de la fin du mandat de l’actuelle composition de cette haute institution de la RD Congo.

Le Professeur André Mbata est intervenu sur « La Cour Constitutionnelle et la Consolidation de l’Etat de Droit démocratique : perspective africaine », alors que l’Assistant Kiyombo Makonga Janvier Lemere (l’initiateur de cette activité) s’est appesanti sur « L’évolution de la condition de mobilité du juge constitutionnel congolais : progrès ou régression ».

 Progrès ou régression

En comparaison avec les Cours Constitutionnelles d’autres pays d’Afrique noire francophone (Sénégal, Bénin, Mali, etc.), Me Kiyombo Makonga Janvier Lemere a reconnu le jeune âge de la Cour Constitutionnelle congolaise et a épinglé quelques problèmes qui doivent être réglés dans le prochain mandat.

« Je vous rappelle que notre Cour constitutionnelle n’a pas le même âge que les Cours constitutionnelles sœurs de certains pays d’Afrique noire francophone notamment. Notre Cour Constitutionnelle n’a été installée qu’en 2015, alors que pour les autres c’est depuis les années 1990. Et donc, il y a encore du chemin à faire. Il faut noter qu’il y a eu du bon et du moins bon dans l’œuvre de la Cour Constitutionnelle, neuf ans durant. Il y a eu des questions sur lesquelles les juges de la Cour constitutionnelle se sont affranchis de l’interprétation restrictive ou minimaliste de leurs compétences, notamment, lorsqu’ils étaient invités à statuer sur des cas ou des requêtes impliquant les droits et libertés fondamentaux des citoyens », a-t-il souligné. Il y a eu également des cas sur lesquels les juges de la Cour Constitutionnelle se sont rendus moins redoutables face aux acteurs du jeu politique par une lecture limitative de leur rôle. Et c’était là, la déception de la population par rapport à ses attentes », a-t-il déploré.

Me Kiyombo Makonga Janvier Lemere a, en outre, relevé que l’environnement politique congolais a constitué aussi un frein à l’émergence de la justice constitutionnelle, bien que, durant ces neuf ans, l’indépendance d’esprit des juges de la Cour Constitutionnelle avait aussi fait défaut à certaines occasions.

« Alors, il ne faut pas oublier que très souvent on charge l’environnement politique congolais d’être très hostile à l’émergence de cette justice et à la restauration du prestige du pouvoir judiciaire. Mais il faut noter que l’indépendance d’esprit des juges mêmes de la Cour constitutionnelle a aussi fait défaut à certaines occasions », a-t-il rappelé.

Et de marteler :

« Le 4 avril est une date symbolique pour la justice constitutionnelle en RDC. Créée par la Constitution du 18 février 2006 (art. 159), la Cour constitutionnelle a été effectivement installée le 4 avril 2015, et c’était là aussi le début d’un mandat de neuf ans de la toute première composition. Le 4 avril 2024, c’est donc la fin du mandat de tous les neuf membres de la Cour constitutionnelle. Aux termes de l’article 8 de la loi organique sur la Cour constitutionnelle, les membres qui sont nommés en cours de mandat, ne viennent pas commencer un autre mandat, mais viennent plutôt achever le mandat de ceux qu’ils remplacent. Seuls ceux qui ont fait moins de 3 ans peuvent être nommés dans la prochaine composition. On ne dit pas qu’ils doivent, mais ils peuvent être nommés, donc c’est laissé à l’appréciation des organes qui les proposent pour nomination ».

Par ailleurs, il a relevé le déficit du tirage au sort durant les neuf dernières années de mandat de la première composition de la Cour Constitutionnelle. Il les souligne en ces termes :

« Durant le mandat de 9 ans de l’actuelle composition, il y a eu notamment des problèmes de tirage au sort. Le renouvellement tertiaire par tirage au sort est prévu tous les trois ans. Le premier tirage au sort n’a jamais été organisé parce qu’un juge était décédé et deux juges avaient démissionné (les professeurs Jean-Louis Esambo et Eugene Banyaku) ; alors le 2e tirage au sort a eu lieu, mais hors délai, ça devrait avoir lieu en 2021 mais malheureusement ça a été organisé en 2022. Ce qui était une violation de la loi, mais bon, vous n’allez pas toujours accuser les politiques parce que là c’est une organisation interne de la Cour constitutionnelle. Parce qu’elle jouit de l’autonomie de son organisation et de son fonctionnement. Donc, il revient à la Cour constitutionnelle, par le canal du greffier en chef d’organiser le tirage au sort suivant les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 116 de la loi organique portant organisation et fonctionnement de la cour de constitutionnelle ».

 Mobilité du Juge Constitutionnel

S’agissant de la condition de mobilité, Me Kiyombo Makonga Janvier Lemere renseigne que « Le Juge Constitutionnel est inamovible pendant la durée de son mandat. L’inamovibilité peut être considérée comme l’inviolabilité du juge. Le mandat du juge constitutionnel ne peut prendre fin que dans les cas prévus par la Constitution (art. 158), la loi organique (arts. 4, 28, 34, 35), et l’ordonnance n°16-070 du 22 août 2016 (art. 9), c’est-à-dire, à l’expiration du mandat, décès, démission volontaire ou d’office, révocation ou nullité de la nomination pour irrégularité. En dehors de ces cas on ne peut pas mettre fin au mandat d’un juge constitutionnel ».

« Même dans le cas d’une nomination d’un juge de la Cour constitutionnelle à une fonction incompatible avec sa qualité, pouvoir revenant généralement au Président de la République, cette nomination est soumise à l’acceptation ou au consentement du juge lui-même, d’où le délai de 8 jours de l’article 34 de la loi organique. On ne peut pas imposer une fonction incompatible à un juge constitutionnel, s’il n’accepte pas une fonction incompatible, on ne peut pas le forcer. La fonction incompatible ne s’impose pas au juge constitutionnel. Donc, tout repose sur son consentement, la condition c’est qu’il doit être consentant. C’est pourquoi l’article 34 de la loi organique parle du délai de huit jours lorsqu’un juge constitutionnel est nommé à une fonction incompatible avec sa qualité de membre. S’il n’est pas d’accord, on ne peut pas le faire partir, c’est ça l’inamovibilité du juge constitutionnel ».

 Horizon d’espoir…

Le Professeur André Mbata a souligné l’importance de la Cour constitutionnelle en République Démocratique du Congo, dans l’enracinement de la démocratie et de l’Etat de droit.

“Nous avons estimé que la Cour Constitutionnelle joue un grand rôle dans notre pays en ce qui concerne la consolidation de l’Etat de droit et de la démocratie. La Cour constitutionnelle a beaucoup à faire pour que nous puissions progresser sur le chemin de la démocratie, donc de l’Etat de droit. Alors aujourd’hui, c’est le 9è anniversaire, c’est la fin du mandat de neuf juges de la Cour constitutionnelle, il fallait que nous puissions réfléchir sur ce qui a été fait, et ce qui reste à faire pour que nous puissions continuer », a-t-il expliqué. 

Parlant de des avancées et des difficultés, le Professeur Mbata estime que beaucoup de choses ont été faites, et beaucoup d’autres restent à faire.

« Beaucoup de choses ont été faites, et beaucoup restent à faire. Vous savez c’est aussi l’enfantement, on comprend. Vous avez une jeune Cour Constitutionnelle ; dans ce pays on n’en avait pas eu avant. Vous avez des juges constitutionnels qui sont nouveaux dans la tâche, parce qu’ils viennent des juridictions inférieures qui n’étaient pas constitutionnelles. Il y a le temps d’apprendre, il y a aussi le temps de se former. Donc, il y a toutes ces douleurs, ces problèmes, ces faiblesses liées à l’enfantement de l’institution », a-t-il signifié.

S’agissant de la dépendance de la Cour constitutionnelle au pouvoir politique, le Professeur André Mbata a fait remarquer que « partout dans le monde, dans la plupart des pays, les membres de la Cour constitutionnelle sont nommés par le Président de la République, mais le simple fait que le Président de la République nomme les membres de la Cour constitutionnelle n’enlève rien à leur indépendance. Vous avez vu ce qui vient de se passer au Sénégal, les membres du Conseil constitutionnel étaient nommés par le Président de la République, donc qu’on n’exagère pas trop ».

La Rédaction

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