Jean-François Mombia Atuku, fondateur du Réseau d’information et d’appui aux ONG (RIAO-RDC), a récemment effectué une mission à Lokutu, province de la Tshopo en République Démocratique du Congo (RDC). Objectif : évaluer les relations entre la société Plantations et Huileries du Congo (PHC), le plus grand producteur industriel d’huiles de palme de RDC, et les communautés vivant autour de ses plantations.
Cette mission, qui s’est tenue du 23 mars au 22 avril 2025, intervient sept ans après que des conflits persistants entre les communautés locales et la société PHC, alors gérée par le Groupe Feronia, avaient conduit le RIAO-RDC à porter plainte contre PHC-Feronia auprès des banques européennes de développement.
Contexte des relations entre PHC et ses communautés riveraines
La société PHC opère en RDC depuis 1911 et demeure le principal producteur industriel d’huile de palme dans le pays. Appelée initialement Huileries du Congo Belge (HCB) jusqu’en 1960, elle devint Plantations Lever au Congo (PLC) de 1960 à 1971, puis Plantations Lever au Zaïre (PLZ) jusqu’en 1996, avant d’adopter son nom actuel.

Elle appartenait alors au Groupe Unilever, qui avait développé une vingtaine de plantations à travers la zone forestière du Congo. En raison de la politique de zaïrianisation de 1973, PLZ céda la majorité de ses plantations. Les trois dernières — Boteka (province de l’Équateur), Lokutu (province de la Tshopo) et Yaligimba (province de la Mongala) — furent transférées en 2009 par Unilever au Groupe Feronia et opérèrent dès lors sous le nom de PHC-Feronia.
En 2020, à la suite de difficultés opérationnelles récurrentes, Feronia cède la société au Groupe Kuramo Capital Management, actuel actionnaire majoritaire aux côtés de l’Etat congolais.
La période Feronia a été marquée par des tensions récurrentes entre PHC et les communautés environnantes. Les conflits portaient principalement sur les revendications foncières, des allégations de mauvais traitements de la part des gardes et de la police, ainsi que sur le non-respect des engagements pris envers les populations locales.
Dès 2016, l’ONG RIAO-RDC, dirigée par Jean-François Mombia Atuku, surnommé « le petit David » du bassin du Congo pour son combat en faveur des droits humains, a initié des rencontres de réconciliation entre les parties. Ces efforts ont abouti à la signature d’accords dits « Clauses Sociales » : en 2017 à Lokutu, puis en 2018 à Boteka et Yaligimba.
Malgré ces accords, le climat de méfiance persistait. Les communautés continuaient à dénoncer le non-respect des engagements pris et certains abus imputés à la société.
Face à cette situation, Mombia Atuku, mandaté par les communautés de Boteka et Lokutu, a déposé une plainte auprès des banques européennes de développement, principaux bailleurs de fonds de Feronia. Ces institutions ont répondu en mettant en place une médiation via le Mécanisme Indépendant des Plaintes (MIP / ICM), qui s’est déroulée entre 2022 et 2024.
Le rapport final, publié en août 2024, n’a cependant pas permis d’aboutir à une entente durable
Suite aux interpellations adressées aux élus, les autorités provinciales sont intervenues, parvenant en décembre 2024 à instaurer un accord de collaboration et de coexistence pacifique entre PHC et les communautés.

Le RIAO-RDC n’ayant pas pris part aux négociations, a jugé nécessaire d’en vérifier la validité sur le terrain, au regard des intérêts des communautés. Une enquête approfondie, incluant un sondage auprès des habitants, a été entreprise dans ce but afin de recueillir les perceptions locales et nourrir un dialogue plus constructif.
Observations lors de la mission
Les questions foncières demeurent au centre des préoccupations communautaires. L’accord signé prévoit un bornage de la concession PHC par les autorités compétentes. Les leaders locaux insistent sur l’urgence et la nécessité d’une démarche participative.
L’accord engage également PHC à accompagner les communautés dans l’obtention de leurs titres de propriété en tant que communautés forestières locales (CFCL), un objectif que les habitants espèrent voir concrétisé rapidement.
Au fil de cette mission, Jean-François Mombia Atuku a pu constater plusieurs évolutions notables. Contrairement à la situation de 2016, où les cultivateurs locaux étaient menacés pour posséder leurs propres plantations, de véritables partenariats se sont développés entre eux et PHC, permettant la livraison de régimes de noix de palme à la société.
Les cas de torture ou d’arrestations arbitraires ont disparu, et les communautés manifestent désormais le souhait de conserver la présence de PHC, perçue comme un acteur majeur du développement local.
Des avancées significatives sont également visibles sur le plan des infrastructures sociales et des conditions de vie. La modernisation de l’hôpital de PHC-Lokumete (Tshopo), l’installation de nouveaux forages pour l’accès à l’eau potable, ainsi que l’amélioration des conditions de travail dans les plantations (revalorisation des salaires, fourniture d’équipements de protection individuelle), illustrent des efforts concrets.
Les résultats du sondage montrent une amélioration générale du climat entre les communautés et la direction actuelle de PHC.
Toutefois, certaines attentes demeurent insatisfaites, notamment le bornage effectif de la concession et la mise en œuvre des projets de développement promis lors des accords de décembre 2024.
Au terme de sa mission, Mombia Atuku a proposé d’accélérer le processus de bornage sous la supervision des autorités compétentes et de mettre en place un comité de suivi incluant toutes les parties concernées.
Ces recommandations visent à consolider la collaboration et à renforcer la confiance entre PHC et les populations locales.
Cette initiative menée par Jean-François Mombia Atuku marque une étape clé dans la dynamique de réconciliation entre la société PHC et les communautés riveraines.
Si des progrès indéniables ont été réalisés, le RIAO-RDC entend rester vigilant et engagé dans le suivi de ces relations, pour garantir que les droits des communautés soient pleinement respectés et intégrés dans une perspective de développement équitable.
Jules Ntambwe