Alors que la République Démocratique du Congo est confrontée à une menace existentielle à ses frontières orientales, certaines attitudes au sein des élites provinciales laissent perplexes. C’est le cas du président de l’Assemblée provinciale de la Tshopo, Mateus Kanga, dont les récentes publications sur les réseaux sociaux ont ravivé les inquiétudes sur la conscience éthique et institutionnelle de certains responsables publics.
L’acte qui alimente la controverse : une simple publication sur WhatsApp. La couverture du livre d’André Santini « Ces imbéciles qui nous gouvernent », partagée par Monsieur Kanga, accompagnée du commentaire « Très intéressant à lire ». Un geste apparemment anodin, mais dont la portée symbolique et politique, dans un contexte aussi tendu, ne peut être ignorée.

Une parole publique, même sur un espace privé
Dans un pays où chaque prise de parole d’un élu est susceptible d’influencer l’opinion, la frontière entre sphère privée et fonction publique est désormais inexistante. Mateus Kanga, en tant que deuxième personnalité politique de la province, ne peut se réfugier derrière la protection d’un compte personnel. Sa fonction, son influence et son timing rendent chaque message interprétable et lourd de conséquences.
Ce qui interroge ici, ce n’est pas la critique en soi la démocratie s’en nourrit, mais la méthode : l’allusion, l’ambiguïté, le non-dit. Le choix d’un ouvrage dont le titre est frontalement offensant, dans un moment où l’unité nationale est essentielle, soulève une question centrale : jusqu’où un élu peut-il aller dans l’expression de son mécontentement sans compromettre la stabilité institutionnelle ?
Le déficit de présence au sommet des institutions provinciales

Au-delà du contenu polémique, un autre fait suscite la perplexité : le séjour prolongé de Monsieur Kanga en Europe, dans un cadre manifestement non officiel, à un moment où la Tshopo, comme d’autres provinces du pays, devrait resserrer les rangs autour des institutions nationales pour contrer la poussée des groupes armés. L’absence du chef de l’organe délibérant provincial soulève des questions légitimes sur la gouvernance locale et sur l’engagement réel des responsables politiques dans la défense des intérêts de leurs mandants.
Un climat propice aux suspicions
Dans un contexte de guerre hybride, où la désinformation, les infiltrations et les complicités locales sont autant d’armes utilisées par des puissances extérieures et des groupes armés, l’attitude des dirigeants doit être irréprochable. Le moindre geste, le moindre mot peut être utilisé pour semer le doute sur la loyauté d’un acteur politique.

À ce titre, les rumeurs de proximité entre Monsieur Kanga et certaines figures étrangères controversées, dont un certain Victor Tessengo – présenté par plusieurs sources comme lié au M23 – doivent être clarifiées. Il ne s’agit pas ici de juger sur la base de soupçons, mais d’appeler à la transparence, vertu première en démocratie.
Le mutisme des autorités : un silence qui inquiète

Le plus troublant dans cette affaire demeure cependant l’absence de réaction des institutions provinciales et nationales. Aucun rappel à l’ordre, aucun communiqué, aucune prise de distance officielle. Cette inertie face à une dérive communicationnelle, dans un contexte de crise sécuritaire, pourrait être interprétée comme un signal de tolérance, voire d’acceptation tacite. Or, le silence, dans de telles circonstances, peut être plus dommageable qu’un discours maladroit.
La Rédaction