Affaire Nicolas KAZADI : LEON ENGULU III INTERPELLE CHRISTIAN BOSEMBE !

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Monsieur le Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication (CSAC),
je me permets de vous adresser cette tribune, afin de souligner deux aspects cruciaux qui nécessitent, à mon sens, une attention particulière de la part de votre institution, garante de l’éthique et de la déontologie dans le paysage médiatique de notre République Démocratique du Congo.

Le premier point, Monsieur le Président, concerne l’impérative nécessité pour tout intervieweur titulaire des droits d’une émission de s’abstenir scrupuleusement de diffuser des extraits hors contexte ou d’autoriser leur diffusion, avec la conséquence d’altérer insidieusement le sens profond des propos d’un invité. Cette exigence, loin d’être une simple recommandation, s’ancre dans des principes fondamentaux qui régissent le droit de l’audiovisuel et trouvent écho dans notre propre législation.

En effet, permettre la diffusion, ou ne pas s’opposer à la rediffusion, de propos hors de leur cadre originel constitue une violation flagrante des principes d’honnêteté, de rigueur et de respect de la dignité humaine qui doivent guider toute production et diffusion d’informations. Une telle pratique pernicieuse peut conduire à une déformation inacceptable de la pensée de l’invité, lui attribuant des opinions qui ne sont pas les siennes, voire portant gravement atteinte à sa réputation et à son honneur, droits pourtant protégés par notre Constitution et d’autres instruments légaux. De surcroît, une diffusion sélective et décontextualisée contrevient aux impératifs d’objectivité, induisant le public en erreur et le privant d’une compréhension fidèle et complète des échanges.

En République Démocratique du Congo, bien que le droit de l’audiovisuel ne soit pas entièrement codifié dans un seul texte, les principes constitutionnels relatifs au respect de la vie privée, de l’honneur et de la dignité humaine, ainsi que les dispositions de la loi sur la presse concernant la responsabilité des médias et la diffamation, et les articles du Code civil relatifs à la responsabilité en cas de dommage, fournissent un cadre juridique solide pour condamner de telles pratiques.

Le second point, Monsieur le Président, fait suite au premier et aborde la question de la rediffusion des émissions. Il est établi qu’en principe, toute rediffusion d’une émission sur une autre chaîne ou plateforme requiert l’autorisation et potentiellement le paiement de droits aux détenteurs légitimes. Une émission ne saurait être disséminée à travers divers médias sans une cession de droits ou une autorisation dûment accordée par les ayants droit.

Dans ce contexte, le rôle du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication apparaît fondamental pour prévenir et sanctionner les diffusions hors contexte qui dénaturent les propos des invités et, par conséquent, portent atteinte à leur image. Votre institution dispose de plusieurs leviers d’action et notamment : 1) l’élaboration et l’application rigoureuse de codes de conduite et de directives claires interdisant explicitement la diffusion d’extraits hors contexte ; 2) une surveillance active et un contrôle méticuleux des contenus diffusés par les différentes chaînes et plateformes opérant sur notre territoire ; 3) la réception et le traitement diligent des plaintes émanant des invités qui s’estiment lésés par de telles pratiques ; 4) le prononcé de sanctions appropriées et dissuasives à l’encontre des médias qui manquent à leurs obligations déontologiques ; 5) la facilitation de la médiation entre les parties concernées afin de trouver des solutions justes et équitables ; 6) la mise en œuvre d’actions de sensibilisation et d’éducation auprès des professionnels des médias sur l’importance capitale du respect de l’intégrité des propos.

Afin de renforcer durablement le respect de ces principes, il serait judicieux que le CSAC encourage et s’assure que les programmes de formation des futurs professionnels des médias intègrent des modules substantiels relatifs au droit de l’audiovisuel, aux droits d’auteur et droits voisins, à la propriété littéraire et industrielle, ainsi qu’à la protection des œuvres. Une meilleure compréhension de ces aspects légaux et éthiques ne pourrait qu’améliorer la qualité et la responsabilité de l’information diffusée. Aucun diplôme des métiers du secteur des médias ne devrait pouvoir être délivré en l’absence de ces modules de formation, compte tenu des techniques de persuasion, de propagande et de manipulation des masses enseignées aux professionnels des médias.

Plus spécifiquement, il est impératif que le CSAC, que vous présidez, se saisisse d’office des cas manifestement malveillants, où la dénaturation des propos est évidente et vise à nuire. Je pense notamment à la récente diffusion de parties d’émission ayant dénaturé les propos et la pensée du député national Nicolas Kazadi, un fait reprochable à la journaliste Paulette Kimuntu, propriétaire de la chaîne La Lionne TV. Dans un tel cas, il incombe à Madame Kimuntu d’apporter la preuve irréfutable qu’elle n’aurait pas accordé l’autorisation à des tiers de rediffuser l’interview de Nicolas Kazadi dans une version non linéaire, ou qu’elle aurait dûment cédé les droits relatifs à cette émission, qui constitue une œuvre audiovisuelle protégée.

Monsieur le Président, si la question des droits d’auteur relève principalement du droit de la propriété intellectuelle, il est indéniable que le CSAC a un rôle prépondérant à jouer pour s’assurer que les rediffusions, lorsqu’elles sont autorisées, preuves à l’appui, ne se fassent pas au détriment de l’intégrité des propos et de l’image des personnes qui ont participé aux émissions originales. Vous n’êtes pas sans savoir que toute personne est en droit de contrôler l’utilisation qui est faite de sa propre image et que, sans son consentement, la captation, la conservation ou la diffusion de son image est interdite sauf exceptions prévues par la loi, lors d’événements publics ou pour les besoins de l’information sous certaines conditions. Le droit à l’image vise à protéger la vie privée et la dignité de chacun.

J’ose croire que votre institution saura se pencher diligemment sur ces questions, compte tenu du foisonnement des plateformes médiatiques dont la grande majorité sont animées par des personnes non formées aux métiers de l’information et de la communication ni au droit des médias. Par ailleurs, je profite de cette tribune pour interpeller de même M. Patrick Muyaya, ministre de la Communication et des Médias, à qui il incombe de définir une politique des médias respectueuse du droit des gens.

Léon ENGULU III
Philosophe (Ecole doctorale Théorie du Langage et de l’Esprit,
structure des représentations et mécanismes interprétatifs, ULBruxelles)
Agrégé en Information et Communication, spécialisation
Ecriture, Littérature, Cinéma et Télévision (Licencié major ULBruxelles)
Ancien de l’ISTI (IFASIC)
Ingénieur agronome
Ancien Conseiller chargé des Réformes institutionnelles
au ministère de la Communication et des médias (2007/2008)
Ancien Coordonnateur a.i du Mécanisme National de Suivi,
chargé de la préparation des réformes en RDC.

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