Lors d’une récente interview, Moussa Kalema, membre du présidium du FCC, président du Parti des Vertus Républicaines (PVR) et secrétaire général de la COMICO, communauté musulmane au Congo, a abordé plusieurs sujets d’actualité. Tout d’abord, sur la question du changement de la constitution qui agite ces derniers jours la classe politique, ce collaborateur de Joseph Kabila réitère la position de sa famille politique, qui refuse de céder à toute tentative visant à toucher à la loi suprême du pays.
Que ce soit pour la révision ou pour le changement de la constitution, Moussa Kalema s’oppose et juge cette démarche d' »inopportune » surtout en cette période. Plutôt que de mobiliser des énergies et des ressources pour modifier la constitution, il interpelle les autorités en place pour qu’elles consacrent la même motivation et les mêmes ressources à l’amélioration des conditions de vie sociale de la population, ainsi qu’à la résolution de nombreux autres obstacles qui préoccupent les Congolais, notamment le manque d’infrastructures de base. Selon ce cadre du FCC, la population attend des solutions tangibles à ces problèmes, et non des changements constitutionnels qui, selon lui, ne profiteront pas à la majorité des habitants.
«Je ne trouve pas opportun de réviser ou de changer la constitution, particulièrement en ce moment où tout le monde, y compris les partisans de cette idée, sait que le pays se dirige tout droit vers le gouffre. Qui peut ignorer que les priorités du pays et de ses habitants sont ailleurs ? La détérioration continue des conditions de vie, la pauvreté croissante, le délabrement presque total des infrastructures de base (routes, écoles, hôpitaux, etc.). Il suffit de se promener à travers le pays, notamment à Kinshasa, pour constater que la population souffre et attend des solutions à tous ces problèmes, et non un changement d’un texte qui ne sera même pas appliqué pour la survie de la nation», a déclaré ce leader politique.
Moussa Kalema prévoit des conséquences graves si le président de la République continue à vouloir changer la constitution : «S’il ne met pas fin à cette initiative, c’est lui qui risque d’être accusé de haute trahison», a averti M. Kalema, en faisant référence à l’article 64 de la constitution, indiquant que le président en place tente d’opérer un coup d’État constitutionnel.
Cependant, contrairement à ce que pense notamment le parti au pouvoir, qui réclame avec insistance le changement de la constitution, en l’accusant d’être à la source des maux du Congo, Moussa Kalema affirme que l’UDPS n’a ni l’expérience ni l’expertise pour donner des leçons sur ce sujet. Selon lui, la constitution du 18 février 2006 a été effectivement rédigée par des Congolais, contrairement à ce que prétend le régime.
Concernant la situation sécuritaire du pays
En ce qui concerne la situation sécuritaire en République Démocratique du Congo, cet ancien ministre et fidèle de l’ex-président de la République place toute la responsabilité sur le régime en place. Selon lui, Félix Tshisekedi a hérité d’un Congo pacifié et libéré des guerres et occupations, mais qu’aujourd’hui, en raison de ses actions, plusieurs territoires congolais sont sous occupation ennemie, notamment en raison de multiples accords qui violent parfois la constitution du pays. «Il a trahi la nation en acceptant d’adhérer à l’EAC», a souligné ce président du parti.
Une solution spirituelle pour la paix dans l’Est
Évoquant l’appel du président de la République, lancé depuis Kisangani, aux églises catholique et musulmane pour prier pour la paix dans le pays, Moussa Kalema a rappelé que la prière seule ne suffit pas à résoudre les problèmes d’insécurité régnant dans le pays. Il souligne que la responsabilité de garantir la paix revient avant tout aux autorités publiques, et non aux institutions religieuses.
Néanmoins, ce membre du présidium du FCC rappelle à Félix Tshisekedi que l’Église, dans sa mission prophétique ou autre, prie quotidiennement pour le pays et les dirigeants. Cependant, il souligne que ce n’est pas aux religions catholique et musulmane de fournir les moyens nécessaires pour maintenir la paix et mettre fin à la guerre. Cela relève de la mission des pouvoirs publics qui gèrent les finances de l’État. «Il est absurde de penser qu’avec la seule prière, les groupes armés, la violence et l’insécurité prendront fin. L’État doit s’acquitter pleinement de son rôle, qui diffère de celui des églises», a-t-il précisé.
En réaction aux accusations selon lesquelles des fidèles des églises catholique et musulmane auraient un rôle dans les conflits en RDC, Moussa Kalema a qualifié ces allégations de ridicules, soulignant qu’il est absurde de chercher des boucs émissaires au lieu de s’attaquer aux véritables problèmes de gouvernance. «Ces affirmations sont tout simplement absurdes. Comment l’Islam et l’Église catholique pourraient-ils jouer un tel rôle ? Il est clair que certains essaient de se dédouaner en cherchant des boucs émissaires. Heureusement, la population ne se laisse pas tromper par de telles distractions honteuses», a-t-il conclu.
Biden en Angola, Corridor de Lobito….
Moussa Kalema n’a pas manqué d’aborder la question de la visite du Président des États-Unis en Angola. À ce sujet, ce leader politique met en garde la RDC contre la tentation de croire que cette visite lui serait plus bénéfique. Au contraire, il insinue qu’il y ait derrière le projet de la construction du corridor de Lobito un plan de pillage systématique des matières premières, soulignant que l’Angola est désormais un acteur clé dans les relations entre les États-Unis et la RDC, et pourrait obtenir une part bien plus grande que la RDC dont appartiennent les matières premières.
De même, le président du PVR voit dans ce projet de construction d’une voie ferroviaire Lobito (Angola)-Tanganyika (RDC) un piège tendu par les Américains qui cherchent à tirer profit des ressources minérales congolaises. «Les dirigeants congolais ne doivent pas se montrer naïfs face à ces intérêts économiques», a-t-il averti.
À son avis, la visite de Joe Biden en Angola et non en RDC doit interpeller les Congolais, car, dit-il, la RDC semble ne plus être au centre de l’attention des États-Unis comme par le passé. «Aujourd’hui, pour ce pays, l’Angola est devenu le point focal par lequel il faut passer pour régler tout ce qui concerne la RDC. La RDC ne doit pas être naïve et croire que cette visite se limite au corridor de Lobito ou à une simple visite protocolaire», a indiqué Moussa Kalema.
Quant à savoir si cette visite est une lueur d’espoir pour la RDC, le président du PVR se montre sceptique, soulignant qu’il y a souvent un décalage entre les discours politiques et les actions concrètes. «N’oubliez pas que les États-Unis ont condamné à maintes reprises le Rwanda et l’ont même exhorté à se retirer du territoire congolais ou à cesser de soutenir les rébellions à l’est de la RDC. Quel en a été le résultat ? Aujourd’hui, les États-Unis veulent ouvertement profiter des ressources minérales congolaises. Pensez-vous qu’ils vont changer leur approche ? Les dirigeants congolais doivent cesser d’être naïfs et adopter une approche plus réaliste, car il semble que les décisions sont souvent prises en l’absence de la RDC. C’est d’ailleurs le cas avec l’affaire du corridor de Lobito», a-t-il ajouté.
Fidel Songo