Depuis que la Conférence des Présidents de l’Assemblée nationale de la République Démocratique du Congo a annoncé l’imminence de la publication du calendrier de l’élection aux postes vacants du Bureau, celui du Président et du Rapporteur adjoint, l’effervescence règne dans les différents états-majors politiques. Qui pour succéder à Vital Kamerhe et Dominique Munongo ?
L’Union pour la Nation Congolaise (UNC), parti cher au Speaker sortant, vient de se prononcer, à travers un communiqué signé par son Secrétaire général, concernant l’élection du nouveau Président de la Chambre basse du Parlement. « Concernant la succession à la présidence de l’Assemblée Nationale de notre Président, Honorable VITAL KAMERHE, à ce jour l’UNC n’a désigné aucun de ses élus pour briguer ce poste. Le Président national attend d’abord recevoir les orientations de la Haute Autorité politique de l’Union Sacrée de la Nation (USN) avant toute décision à ce sujet. »
Il apparaît clairement que cette formation politique n’a pas pu départager les deux prétendants à ce poste, à savoir : le député national Baudouin Mayo Mambeke et le ministre Aimé Boji Sangara. Deux camps se sont donc opposés au sein de l’UNC. Cela a suscité une vive tension que Vital Kamerhe a esquivée, de l’avis de certains. Est-ce une fuite des responsabilités ou tactique politique ? Dieu seul sait sonder les coeurs des uns et des autres.
Par ailleurs, dans le même extrait dudit communiqué, l’UNC a repris des propos similaires à ceux tenus, quelques jours auparavant, par le Président ad intérim de l’Assemblée nationale, Isaac Jean-Claude Tshilumbayi : « Nous attendons les orientations du Président de République, garant du bon fonctionnement des institutions pour combler les postes vacants au sein du Bureau ».
Tous semblent rejeté la balle dans le camp de Félix Tshisekedi. Pourtant, au lendemain de la démission de Vital Kamerhe, le Chef de l’Etat avait déclaré à la presse, depuis New-York, qu’il s’agissait d’une » cuisine interne « . Les images existent. L’oiseau rare risque de se faire encore beaucoup attendre avant sa désignation ou élection.
Les favoris pour le Perchoir
Le correspondant de la Radio France Internationale (RFI) à Kinshasa, Patient Ligodi, a énuméré sur les ondes de cette Radio de référence les noms de quelques prétendants sérieux à ce poste de Président : Aimé Boji, Mayo Mambeke, Christophe Mboso,… Il a aussi rappelé les propos du Speaker ai, Tshilumbayi, qui disait récemment sur Top Congo FM que son parti l’UDPS, première force politique au sein de cette institution, a aussi droit de briguer le poste de Président. Quant aux pétitionnaires, avec Crispin Mbindule à leur tête, ils n’ont pas encore dit leur dernier mot quant au successeur de Kamerhe dont ils ont obtenu la démission. Le jeu reste donc ouvert.
Ayant requis l’anonymat, un député national a lâché cette bombe : « Ce serait une insulte à l’institution Assemblée nationale que de faire élire comme Président une personnalité qui occupe actuellement un poste ministériel. Tout le monde sait qu’Aimé Boji est ministre de l’Industrie au sein du gouvernement Suminwa 2 et, de ce fait, il est frappé par les incompatibilités prévues aux articles 108 de la Constitution et 131 de notre Règlement intérieur. S’il doit démissionner du gouvernement pour venir nous diriger, c’est synonyme d’insulter tous les 500 élus et les qualifier d’incompétence notoiire. Il faut une certaine éthique en politique. Je pense que le Chef de l’Etat ne permettra pas que la Chambre basse du Parlement perde en crédibilité par des parachutages de ce genre. Nous allons élire un d’entre-nous et non pas des gens qui viennent d’ailleurs et ne connaissent pas les problèmes des députés nationaux. Le clientélisme ne doit pas prévaloir dans notre institution. En outre, nous ne voulons pas déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul « .
Effectivement, la section 4 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui traite des incompatibilités, dispoe en son article 131 : « Le mandat de député national est incompatible avec les fonctions ou mandats de : 1. senateur; 2. membre du gouvernement ; 3. membre d’une institution d’appui à la démocratie ;… » Démissionner du gouvernement pour remplacer son suppléant, faire valider son mandat par la plénière après avis de la PAJ, briguer le poste de Président de la Chambre basse du Parlement,… c’est un long parcours comportant un risque énorme : et si un éventuel mot d’ordre n’est pas suivi, l’intéressé redevient chômeur. « Mieux vaut un tiens que deux tu l’auras », dit une sagesse populaire.
Mayo contre Boji ou l’un des deux contre Mboso
L’on se dirige vers cette perspective. Qu’est-ce qui différencie ces candidats potentiels ?
Des observateurs avertis présentent Baudouin Mayo Mambeke comme un élu assidu, courtois, pertinent dans ses interventions aussi bien en assemblée plénière qu’en commissions. C’est un avocat et ancien Vice-Premier Ministre en charge du Budget. Dans sa récente interview, il déclarait : « Moi, je suis un monsieur discipliné. Si mon parti me disait, demain, ce n’est pas moi , et que le parti a porté son dévolu sur un autre candidat, je l’accepterai. Si la Haute Autorité disait que c’est quelqu’un d’autre, je l’accepterai. C’est que nous refusons, au niveau de l’UNC, c’est des mercenaires. Il y a des amis qui se baladent avec des étiquettes de l’UNC mais qui ne répondent plus de l’UNC. C’est des mercenaires, des Brutus. Alors, nous n’allons pas les accepter, nous n’allons pas laisser place à ce genre d’individus, il faut être ancré dans le parti. «
Quant à Aimé Boji, il a fait ses preuves au ministère du Budget avant d’occuper le poste actuel de ministre de l’Industrie. C’est un monsieur sympa pour ceux qui le connaissent et très proche de Vital Kamerhe géopolitiquement (originaires de Walungu dans le Sud-Kivu). C’est cet argument géopolitique que brandissent ses soutiens au sein de l’UNC. Mais ce qui risque de poser problème, c’est sa traversée du gouvernement à l’Assemblée nationale.
A deux reprises Président du Bureau d’âge et une fois Speaker de la Chambre basse du Parlement, le patriarche Christophe Mboso lorgne toujours le Perchoir. Il n’a jamais digéré sa défaite face à Vital Kamerhe lors des primaires de l’USN. L’heure est venue de prendre sa revanche. Les divisions au sein de l’UNC pourraient lui être profitables pour briguer ce poste. Mboso, vieux routier de la politique, sait ratisser large quoique n’ayant pas plus de deux députés nationaux. Cependant, l’argumentaire géopolitique ne tient pas la route pour certains. Dans le Bureau Kamerhe, la Questeure Chimène Poli Poli et la Rapporteure adjointe Dominique Munongo sont toutes deux de l’espace Grand Katanga, disent-ils.
Enfin, le seul mystère dans cette course au Perchoir, c’est le chef de fil des pétitionnaires, en l’occurrence, Crispin Mbindule, sociétaire de l’UDPS. Cet ancien de l’UNC cherchera-t-il à succéder à son ancien Président et mentor VK qu’il vient de faire tomber ? Wait and see.
Seule l’assemblée plénière aura le dernier mot pour cette élection du Président et du Rapporteur adjoint de l’Assemblée nationale. Les urnes vont parler. Attendons le calendrier.
James Mpunga Yende


