Pollution atmosphérique : plus de 8 000 morts par an à Kinshasa, les chercheurs tirent la sonnette d’alarme !

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Le Sénat académique de l’Université de Kinshasa a servi de cadre à une visioconférence, qui a réuni le professeur Jean-Marie Kayembe Ntumba, recteur de l’UNIKIN, la pneumologue Mélanie Ngutuka et une délégation de journalistes de l’ONG ACSA, spécialisée dans la communication sur les enjeux de santé publique. L’impact sanitaire de la pollution de l’air dans la capitale congolaise et les pistes de solutions à explorer, était au cœur de ces échanges placés sous le thème « Sensibilisation du grand public sur l’impact sanitaire de la pollution de l’air à Kinshasa ».

Dès l’ouverture de la séance, le professeur Jean-Marie Kayembe a posé les bases du débat, en affirmant qu’« En médecine, on dit que la génétique prédispose, mais c’est l’environnement qui déclenche. » Selon lui, les maladies non transmissibles comme le diabète, l’hypertension ou les cancers trouvent un terreau fertile dans la dégradation de l’environnement. « Si l’on ne peut pas encore modifier notre hérédité, on peut et on doit agir sur notre environnement », a-t-il insisté.

Dans son exposé détaillé, la Dr Mélanie Ngutuka, qui intervenait en visioconférence depuis l’étranger, a présenté en long et en large les dangers que représente la pollution de l’air, tant extérieur qu’intérieur. À travers des données statistiques plus qu’alarmantes, elle a démontré que Kinshasa, capitale de la RDC, est aujourd’hui exposée à une concentration en particules fines (PM2.5) de plus de 43 microgrammes/m³, soit huit fois le seuil recommandé par l’OMS, qui est de 5 microgrammes/m³. Cette exposition excessive serait responsable de plus de 30 % des cas de cancer du poumon dans la capitale et de plus de 8 000 décès prématurés chaque année.

Une menace invisible, ignorée par la majorité

L’étude conduite par l’équipe de la chercheuse révèle que seulement 35 % des Kinois ont déjà entendu parler de la pollution de l’air, alors qu’elle représente le deuxième facteur de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans, après la malnutrition. « La pollution de l’air tue silencieusement plus que le VIH, la malaria ou les maladies diarrhéiques. C’est un véritable enjeu de santé publique que nous ignorons collectivement », a déploré la pneumologue.

Sources de pollution : entre trafic, industrie et déchets brûlés

Parmi les sources identifiées : les véhicules obsolètes, les procédés industriels polluants, l’incinération des déchets à ciel ouvert, mais aussi l’utilisation de combustibles solides pour la cuisson domestique. L’absence de systèmes de surveillance nationaux empêche pour l’instant une gestion efficace de la qualité de l’air.

Dr Ngutuka a également insisté sur la pollution de l’air intérieur, souvent négligée mais tout aussi dangereuse, notamment dans les milieux urbains modernes. Les matériaux de construction, les produits ménagers ou encore les générateurs électriques utilisés en intérieur sont autant de sources de contamination invisibles.

Nonobstant ces révélations alarmantes, la chercheuse a rassuré tout de même que des solutions existent, et que, ce qu’il faut, c’est de les mettre en œuvre.

Plus loin, les intervenants ont proposé plusieurs pistes concrètes, pouvant aider a faire face à cette urgence. Il s’agit, notamment de :

Renforcement des transports en commun et réglementation des véhicules vétustes ;

Régulation des procédés industriels pour réduire les émissions nocives ;

Promotion de l’énergie propre pour la cuisine ;

Investissements dans les infrastructures cyclables et piétonnes ;

Gestion rationnelle des déchets et interdiction des brûlages sauvages ;

Création d’un réseau de surveillance continue de la qualité de l’air à Kinshasa et dans les grandes villes.

Sur le plan juridique, la RDC dispose déjà, a rappelé la chercheuse, d’un cadre législatif favorable à la protection de l’environnement, notamment à travers l’article 53 de la Constitution et les décrets créant l’Agence Congolaise de l’Environnement (ACAE). Toutefois, l’absence de moyens techniques et de volonté politique entrave encore la mise en application effective de ces dispositions, a-t-elle soulevé.

Vers une mobilisation nationale

En guise de perspective, le professeur Kayembe a annoncé la création d’un groupe multisectoriel composé de chercheurs, d’experts et de représentants institutionnels, en vue de développer une politique publique de lutte contre la pollution de l’air. Une rencontre nationale « Air et Santé » est prévue d’ici la fin de l’année pour fédérer toutes les parties prenantes autour d’un plan d’action concerté.

Pour finir, la Dr Mélanie Ngutuka a exhorté que « Si nous réduisons ne serait-ce que de 10 % la concentration annuelle de particules fines, nous pouvons sauver plus de 1 000 vies chaque année. Et si nous atteignons les normes de l’OMS, c’est plus de 5 ans d’espérance de vie que chaque adulte congolais peut espérer gagner ».

Fidel Songo

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